Pour être juste, il faut obéir aux lois, si elles nous font connaître la mesure de toute justice.
Le Criton est un dialogue de Platon où Socrate questionne la légitimité de l'obéissance aux lois, mais il s'y présente lui-même questionné à son tour, dans la légitimité de son questionnement, par les lois en personne !
Quand on demande aux lois si elles sont justes, elles vous demandent à leur tour si votre propre demande est juste, assez juste pour que vous ayez l'intention de chercher une loi de justice semblable à elles, qui soit leur sœur.
Cela élimine toute prétendue loi morale ou religieuse qui serait ennemies de ces lois de la Cité, qui ne relèverait pas avec elle d'une commune et indissociable exigence rationnelle de justice, qui ne pourrait s'accorder avec elle dans une même essence et une même effectivité de la justice.
On pourrait parler, en d'autres termes, de la nécessité de l'accord des lois de l'État avec toute autre loi de justice selon un même droit, selon une même mesure de la justice, mesure qui, dans la recherche de Socrate, est celle de l'essence, voire selon son disciple Platon, celle de l'Idée de la justice.
Les principes et présupposés de la réflexion socratique sur les lois et la justice
En tous cas, quand on recherche le sens et l'existence de la justice la plus absolue, comme le fait Socrate, il semble qu'on n'ait pu le faire qu'en partant de la justice réellement existante, la justice effective, qui seule a pu nous mettre sur la piste de cette recherche.
Avec ce présupposé, cette situation contingente, que l'on est citoyen d'un État déjà pourvu de bonnes lois, de lois suffisamment bonnes et rationnelles pour qu'on ait choisi de vivre sous ces lois, et de réfléchir à l'essence de la justice dont leur effectivité est un début de mise en œuvre.
Avec cet autre présupposé, propre à la pensée de Socrate, telle qu'elle s'illustre dans ses discours et sa pratique, que l'être humain est naturellement rationnel et désireux du bien, et qu'il suffit d'éclairer son désir par sa raison pour qu'il tende à ce qui est universellement bon et juste.
Pour viser ce bien, qu'est-ce en effet que cette justice réellement existante dont il faut partir ? Il s'agit, bien évidemment, et quelle que soit leur relative imperfection par ailleurs, de la justice des lois de l'État, de la justice mise en œuvre dans l'application de ces lois.
Même si dans le cas de la condamnation de Socrate sous de faux chefs d'accusation, l'application des lois a dévié de la justice, la faute de cette condamnation injuste revient aux accusateurs et aux jurés, mais non aux lois elles-mêmes qui restent exemptes de reproches.
S'approprier la justice de la loi : vers la notion d'autonomie
La recherche sur le sens de la justice part aussi, il est vrai, de la vertu morale de justice, mais celle-ci n'est pas sans se formuler, chez ceux qui la pratiquent avec rigueur, dans des règles intangibles de la forme d'une loi (le juste est ce qui revient à chacun, c'est le milieu entre deux excès, etc.).
Socrate interroge d'ailleurs les lois juridiques de sa Cité comme étant ses propres lois morales, voire religieuses, et sa recherche de la justice des lois relève de la formation rationnelle d'une autonomie, tout autant morale que civique.
Dans cette démarche, il s'agit de reconnaître la loi positive, existante de sa Cité, comme celle que l'on devrait se donner à soi-même comme individu juste, ou du moins comme une loi apparentée à celle-ci, selon l'exigence philosophique, celle de la recherche de l'essence de la justice par la raison.
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